Je continue à fouiller l’identité, mon identité. Il y a urgence pour moi à parler de langue, de langue maternelle. De ce qui reste de la mienne, comme outil poétique pour musser mes yeux dans les ailleurs du monde.
De notre monolinguisme français si spécifique, de notre héritage de la révolution française qui fait des « autres » langues des outils de la contre révolution. De notre incapacité à utiliser le savoir de l’autre comme une ressource. D’avoir fait de l’humiliation la norme pour imposer le français. De Claude Duneton, le regretté corrézien qui en écrivant son livre « Parler Croquant » parlait de la langue des rois, véhicule des cours d’Europe, cette langue épurée, ce filtre imposant entre les élites du pays et le peuple. L’universalisme français n’a concerné pendant quelques siècles que ces éli-tes. Des dégâts faits par l’éradication des « patois », l’incapacité par exemple à communiquer les émo-tions et la transmission de ces « tares » aux générations qui suivent. Oui je parlerai à ma façon. Je tenterai même de lessiver la langue avec des cendres de patois carbonisé, de la savonner, en rajoutant de la graisse à ce français liposucé depuis Rabelais.
Acerbe envers le « dogme de la langue unique en France », le Vendéen a étayé ses propos d'une touche humoristique et sentimentaliste, replongeant au temps de ses douze ans. Premiers pas au collège et premières humiliations - « Oh, il parle patois ! » -, premiers émois amoureux, aussi, où se pose la difficulté de trouver les bons mots - « Comment lui dire je t'aime ? ».
Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour est le premier volet d’un dyptique sur la langue, dont la seconde partie, Causer, naîtra à l’automne 2018.
L’originalité de ce projet tiendra au fait que les deux volets de ce travail seront « parages » : ils iront de pair. Ma langue maternelle… étant destiné aux lieux non conventionnels, intégrant à chaque fois (pour une courte intervention) un locuteur d’une autre langue et pouvant donner lieu à des échanges ou ateliers autour des langues maternelles. Causer sera destiné aux plateaux de théâtres (avec trio à cordes et composition de Morgane Houdemont)
Les deux spectacles seront complémentaires et auront l’ambition de faire migrer les spectateurs de la périphérie au centre et l’inverse.